Colette et Gilbert SIMONI

 

            Nous sommes arrivés à AÏN SEYNOUR fin sept 1958 comme chargés d’école avec mission de rouvrir l’école primaire .mon épouse avait les classes d’initiation 1 et 2 dans le bâtiment de fonction, et moi faute de locaux ,j’utilisais la salle de la mairie qui jouxtait l’agence postale tenue par madame Marcelle Lavigne  Dans le courant de l’année le commandant Duthil ,chef de la SAS ?a mis en chantier quatre autres classes .deux  étaient tenues par des militaires dont l’un s’appelait Defoy  et les autres par deux sœurs ;mademoiselles  Metais .puis deux écoles préfabriquées ont été construites ,ce qui faisait six classes de plus ;et en Octobre 60 ,le couple Bouchara est arrivé ,et mr Bouchara a pris la direction de l’ensemble

Dans cette école ont donc exercé jusqu’en juin 62 ; outre les Bouchara et nous-mêmes les sœurs Metais ,Defoy et un autre militaire dont je ne me rappelle plus le nom ,un jeune débutant Bigot ;la femme du lieutenant Jambel ;la femme d’un infirmier militaire ;la fille du garde forestier dont le nom m’échappe et Jean Claude Lavigne  

Je me rappellerai toujours de notre arrivée à AÏN SEYNOUR..Nous nous sommes arrêtes à la première maison du village pour demander où se trouvait l’école .on ne pouvait mieux tomber ; puisque nous avons fait la connaissance de Mr et Me Vincent ; maire du village et secrétaire de la mairie. ils nous ont donc fait visiter les lieux et présenter au commandant de la SAS ce jour là a débuté une chaude amitié que nous avons entretenue jusqu’à leur disparition .je crois que aussi bien dans nos cœurs que dans les leurs,nous nous considérons comme de la famille .malgré la situation qui prévalait à l’époque ;nous avons gardé un souvenir heureux de ces quatre années passées à AÏN  SEYNOUR .avec comme amis .Andrée  et Maurice Vincent ,Fernande et Georges Bichard  ,Marcelle Lavigne et Jean claude

Presque chaque soir nous nous retrouvions chez les Vincent dans une atmosphère familiale et dans la bonne humeur nous nous efforcions d’oublier le sort qui semblait promis à L’ALGERIE FRANCAISE

J’ai toujours en mémoire les parties de chasse aux perdreaux en compagnie de Maurice et de Georges .malgré les risques encourus ou peut ete à cause de cela ;je les considère comme les plus belles qu’il m’ait été donné de faire

Même si j’ai oublié des noms j’ai plein d’images qui défilent dans ma tête .je revois toutes les maisons ,les classes ;les élèves ;les collègues ;les amis ;la source ferrugineuse où l’on allait remplir notre bouteille qui se teintait de rouille ;la montagne du Rezgoun ,le tremblement de terre qui nous avait fait vaciller un jour sur nos estrades ,la neige où l’on s’enfonçait jusqu’aux genoux et le vent qui soufflait si fort par moment qu’il nous faisait mal au crâne et énervait  les élevés

Un autre souvenir me revient parfois ; mais me flanque une peur rétrospective .quand je suis remonté au village le 5 juillet 62 pour récupérer le reste de nos affaires ;je n’ai pas pu rentrer dans ma classe .un homme armé d’une mitraillette m’en a empêché en me disant Lt’y touche pas ;patrimoine national) alors je suis allé à la maison que nous louons à Emilienne  Vincent ;que l’on appelait affectueusement tata e Emilienne ;pour prendre ce que j’avais  laissé comme c’était une maison un peu isolée les militaires m’avaient donné quatre grenades pour me défendre au cas où ;j’ai mis la boite en carton qui les contenait sur la banquette arriere de ma voiture et sous la banquette avant j’ai glissé ma carabine 14 mm/m .mon intention était de balancer les grenades dans la rivière ;mais comme j’ai pris en stop un de mes anciens élèves jusqu’à  Duvivier ;j’ai oublié ensuite de m’en débarrasser et voila que 6 kilomètres avant BARRAL  deux soldats de L ALN ;m’arrêtent  et pendant que l’un me collait son canon de mitraillette sur le ventre ;l’autre s’est mis à fouiller la voiture du compartiment moteur jusqu’au coffre .mon ange gardien a fait très fort ce jour là ;car ils n’ont pas vu la crosse de la carabine ;et quand le type a mis la main sur la boite de grenades et que je pensais ma dernière heure venue ;il a été intrigué par un gros carton qui trônait sur le siége arriere la j’ai fait une  demonstrandum de vendeur d’articles ménager au milieu de la route ;après avoir pris soin de claquer ma portière pour cacher la carabine qu’on apercevait de par coté. .en fait le carton contenait le casque sèche cheveux de ma femme et je l’ai déballé et j’ai expliqué comment nos épouses se servaient de cet engin  ils ouvraient tous les deux des yeux comme des soucoupes en écoutant mon baratin

J’avoue qu’en arrivant à Mondovi où me femme m’attendait ;je ne sentais plus mes jambes en descendant de voiture ;les grenades ont fini au port de Bône ,lancées par des marins Français

Voila mon cher HENRI, ce que je peux t’envoyer ; tu prendras dedans ce que tu jugeras utile .je pourrais pendant des heures te parler d’AÏN SEYNOUR  et de tes parents. Mais devant une feuille de papier je me sen s embarrassé ; j’ai perdu l’habitude d’écrire

 

Colette  et Gilbert  SIMONI